cette histoire aussi était dur lMautre forum. Je l'avais mise pour Casta quand elle a été membre étoile. Ce soir, je la mets ici. C'est une histoire qui n'a pas d'âge. Je l'ai écrit il y a quelques années. C'était pour un cours de français. Un défi. Si j'arrivais à réellement touvher l'enseignante, je n'avais pas à faire le cours entier. J'étais à l'éducation aux adultes.
Si vous avez des commentaires, envoyezi moi un MP. J'aime beaucoup savoir ce que vous pensez de mes écrits.
Écoute, je te parle!
Je suis énorme. Je suis énorme et je voudrais trouver un coupable. À qui la faute? Toi? Ton père? Cet idiot de préservatif qui s’est rompu? Je ne sais pas. Pourtant, j’ai cherché. J’ai cherché jusqu’à en avoir la migraine. La seule chose que je sais, c’est qu’il y a sept mois de cela, toi, petite chose, tu as pris mon ventre pour une maison. Et moi dans cette histoire? Tu ne m’as jamais demandé mon avis! Pourtant, s’il y a quelqu’un que ça concerne, c’est bien moi! À ton arrivée, tu ne me laisseras pas une seule minute de répit. Alors, pendant que j’ai encore du temps, laisse-moi te raconter ma petite histoire avec ton père…
Il y a sept mois, plus précisément le quatorze juillet mille neuf cent quatre vingt onze, je travaillais au magasin général. Il faisait chaud, mais une petite brise transportait jusqu’à mes narines, l’odeur des fleurs. Un garçon faisait le tour du magasin. Aucun client ne semblait le connaître. Ça m’a étonnée, car ici à Saint-Jacques, tout le monde se connaît. À voir son énorme sac à dos, c’était un voyageur. Une chose chez lui m’a frappée. Il avait les yeux d’un gris comme je n’en avais jamais vu. Cela m’hypnotisait. J’attendais qu’il se présente à la caisse, mais il inspectait tout en prenant tout son temps. J’aurais bien voulu voir ses yeux de plus près, mais malheureusement pour moi, il quitta le magasin sans rien acheter. Je rêvassais encore quand ma patronne me laissa partir.
Ce soir-là, assise sur le perron de la grande maison de ma tante, je n’arrivais pas à oublier ce regard gris. Je le voyais si clairement dans ma tête. Deux billes… Deux billes grises qui dansaient sur le plus beau des visages…
- Chloé? C’est bien ton nom?
Il était là. Juste devant moi. Il savait mon nom. J’étais figée. Je ne répondais pas. Je ne devais pas être jolie, la robe toute chiffonnée par la chaleur humide de la journée et les cheveux défaits par le vent.
- Ta patronne m’a dit que tu voulais aller en Europe. Je suis allé en France et en Suisse. Je peux te raconter si tu veux.
Je l’écoutais à peine. Juste assez pour entendre son nom : Alexis. Je regardais ses yeux. Ces yeux qui paraissaient avoir vu toutes les merveilles du monde. Devant lui, devant ses yeux, je n’arrivais pas à parler. Comme si une force invisible me clouait le bec. Ce n’était pas si mal parce qu’Alexis, lui, parlait pour deux.
Il s’installa près de moi et commença son récit. Sa voix ne ressemblait à aucune autre. Je l’écoutais. J’avais l’impression de voir les lieux qu’il décrivait. L’odeur du chocolat chatouillait mes narines et me faisait saliver malgré les milliers de kilomètres qui me séparaient de la Suisse dont Alexis me parlait. Trop tôt à mon goût, il cessa de parler. Le récit était terminé. Je ne le croyais pas. J’aurais voulu qu’il continue encore et encore. J’étais disposée à l’écouter durant des heures. Je ne voulais pas qu’il parte. Je voulais qu’il reste un peu, mais je n’arrivais pas à lui dire.
Le lendemain, je ne travaillais pas. J’étais à quatre pattes pour arracher les mauvaises herbes du jardin lorsque j’ai entendu sa voix. Fâcheuse position. Sans parler de la terre humide qui me collait aux mains et aux genoux. J’ai toujours aimé la sensation de la terre sur ma peau, mais devant Alexis, c’était différent. Mes cheveux, trop longs selon moi, restaient collés à mon visage.
- Je dois partir demain.
Je n’en croyais pas mes oreilles. Alexis était une vraie girouette qui se laissait guider par le vent. Je lui ai demandé pourquoi il ne voulait pas prolonger son séjour. La question resta sans réponse. Il m’a tendu la main. Je l’ai suivi sans dire un mot. À cet instant, je l’aurais suivi jusqu’au bout du monde.
Le soleil se levait déjà lorsque, les cheveux en bataille et les yeux bouffis, je suis rentrée à la maison. Ma tante était furieuse. Elle me dévisageait en pestant contre tous les hommes. Je ne l’écoutais pas. Je ne voulais pas l’entendre. J’avais seize ans et des contradictions plein la tête. Seulement seize ans et je croyais tout savoir. Je ne pouvais pas lui expliquer ce que je venais de vivre. Je n’avais rien à faire de ses reproches, de ses certitudes à elle. Elle qui m’a élevée depuis ma tendre enfance, je lui en voulais d’oser me faire la morale. Elle était bien loin de mes préoccupations. Je venais de perdre celui qui m’a pris une partie de moi qui ne reviendra jamais. J’avais perdu mon innocence.
Quelques semaines plus tard, j’apprenais ton existence. J’apprenais qu’il me reste un petit bout de mon Alexis. Au village, la nouvelle à vite fait son chemin. Et voilà que toi, qui n’est pas encore au monde, tu as déjà une sacrée réputation. Tu es l’enfant indigne de la jeune fille qui s’est laissée séduire par un voyageur au cœur volage.
C’est une histoire bien trop longue pour raconter une simple aventure. Ça aurait pu être plus court, mais je voulais en faire une belle histoire. Ce n’est pas seulement le récit de mon innocence à jamais perdue. C’est le début de ta vie. C’est ton histoire. Il fallait que je la raconte de façon à oublier un peu que tu me rappelleras toujours une erreur de jeunesse. La fin de ma jeunesse trop courte.
Maybel
Printemps 2003